Réalisé par Aymeric de la Bachelerie (agence Franck Boutté Consultants), dans le cadre du projet MESH-Morphologie Environnement Soutenabilité Habitabilité, lauréat de l'appel à projets de recherche Modeval'Urba 2015 (Modélisation et évaluation au service des acteurs des territoires et des villes de demain) de l'ADEME
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Bonjour, je m’appelle Sébastien Perrault. J'ai une double formation d'ingénieur ESTP et d'architecte. J’ai par le passé collaboré avec Elioth puis ensuite chez HDA-Hugh Dutton Associé pendant cinq ans, et où j’ai pu développer des approches performatives du design et depuis 1 an je suis indépendant.
Comment définirais-tu le design computationnel ?
Pour moi, c’est déjà d’un point de vue pratique la possibilité de ne pas refaire des process qui prennent du temps plusieurs fois. C’était la base de mon intérêt pour ces approches. Et ensuite le fait de pouvoir intégrer dans la conception des données contextuelles, environnementales, de pouvoir intégrer des approches sun, wind, light et, puisque j’ai aussi une formation d’ingénieur structure, de pouvoir aussi traiter de la performance structurelle et de l’économie des matériaux.
Quels sont les paramètres que tu intègres à ton approche ?
Pour répondre à ça, je vais citer un projet que nous avons conçu avec Hugh Dutton qui s’appelle Climate Ribbon . L’idée de ce projet c’était…en fait, c’est une toiture avec des lames brise-soleil.
L’idée, qui est venue assez rapidement, c’est de créer un lien entre une forme de brise-soleil et un contexte assez complexe composé d'une série de tours, qui produisaient chacune leur ombre et de se servir de la complexité de ce contexte et des masques entourant notre projet pour créer un dessin dans la forme de nos brise-soleils.
Là par exemple, j’ai mis en place un processus paramétrique qui étudie localement et très précisément comment le soleil arrive et qui va permettre de dessiner des brise-soleils ajustés au minimum et dont la forme évolue progressivement, de créer ce lien entre la forme et le contexte, de recontextualiser les projets.
Tu utilises donc des vecteurs solaires pour modeler la forme. Ton approche s’élargit elle aussi au confort ?
Oui, en fait, à chaque étape de l’avancée du projet, on couplait le processus génératif de création de la forme par des simulations et des analyses. Donc pour voir si le sens que prenait le projet était le bon d’un point de vue de la performance.
Ce projet a-t-il été réalisé ?
Oui effectivement, c’est un projet qui a été livré depuis six mois. Le retour est très positif. L’idée, c’était de créer une sensualité par le lien entre la forme et les données contextuelles, d’exprimer par un mouvement fluide la variation du contexte solaire.
Pourrais-tu nous parler d’autres projets qui suivent cette même démarche ?
Des projets plus personnels de recherche par exemple suite au workshops "design by data", un projet qui consistait à générer des plans masses de ville à partir du besoin en termes d’heures de soleil direct dans des unités d’habitation des unités urbaines et donc de pouvoir générer itérativement des volumes qui ne se font pas trop d’ombres et qui permettent d’assurer une densité maximale par rapport à un objectif d’ensoleillement que l’on se fixe avant.
Dans quel contexte as-tu réalisé cette étude ?
Il n’y a pas de localisation spécifique. On peut intégrer les fichiers météo de n’importe quel site.
L’objectif était donc de maximiser la lumière directe du soleil ?
Encore une fois, l’objectif est d’étudier le lien entre la forme et des contraintes, voir comment différentes contraintes que l’on se fixe, qui peuvent être complétement différentes d’un site à l’autre, comment en se basant sur ces contraintes on peut générer des formes intéressantes et maîtriser le processus.
Comment s’est passée l’interaction entre les parties prenantes pour le projet Climate Ribbon ?
Le terme de « climate ribbon » a été donné par le client qui nous a demandé en tant que designer avec la double compétence design-ingénierie de concevoir un projet. On a travaillé en collaboration avec des architectes qui étaient en charge des bâtiments environnants. C’est un projet très important. Il y avait un cabinet international d’architecture qui s’occupait de coordonner l’ensemble mais notre rôle était vraiment de concevoir cet objet qui devait être iconique.
Cette double compétence en design et ingénierie m'a permis de maîtriser les propositions et de les évaluer en temps réel, et d’avoir une relation avec nos partenaires qui soit basée à la fois sur la proposition d’un concept et sur son évaluation.
Comment as-tu articulé une approche computationnelle très calculatoire à une demande architecturale de sensualité, donc à une approche plutôt qualitative ?
Dans ce projet à Miami, l’approche purement quantitative donnait des résultats optimisés localement mais au final si l’on prenait sa forme brute, si on prenait les données brutes, la forme globale n’était pas satisfaisante. Il y a eu tout un travail de design autour de ces données pour être au plus près de la performance mais en introduisant des paramètres liés à des considérations esthétiques. Par exemple de pouvoir tisser, négocier entre toutes ces performances locales un compromis dans des formes fluides par exemple. Il y a eu en effet un passage, un retour vers le qualitatif.